QU’EST-CE QU’UNE VÉRITABLE PARTICIPATION SIGNIFICATIVE DES PERSONNES VIVANT AVEC DES MNT ?
La participation significative des personnes vivant avec des MNT est devenue une expression à la mode dans le milieu des MNT, mais sa véritable importance pour la riposte à ces maladies n’est pas suffisamment bien comprise. Pour mieux faire comprendre cette notion, il est essentiel de souligner d’abord ce que n’est pas la participation significative. La participation significative des personnes vivant avec des MNT n’est pas purement formelle, au sens où leur présence ne serait que symbolique, pour satisfaire une exigence, mais sans qu’on attende d’elles une réelle contribution. Elle n’est pas non plus un manque de communication tout au long du processus de mobilisation, ni l’absence de prise en compte des opinions diverses, et elle ne consiste pas à créer des contextes avec d’énormes déséquilibres de pouvoir, qui se traduisent par des situations où les personnes vivant avec des MNT n’osent pas apporter leur pierre à l’édifice. Or, ces pratiques restent courantes lorsqu’on implique des personnes vivant avec des MNT.
Ce qu’est, en revanche, la participation significative, c’est la participation active des personnes vivant avec les MNT, dont l’expérience de ces maladies et des systèmes de santé en fait des experts, à chaque étape de la conception et de la mise en œuvre des politiques et programmes de lutte contre les MNT. Cela implique que les individus, les organisations et les décideurs politiques donnent aux personnes vivant avec des MNT les moyens de s’exprimer et de contribuer avec autorité, en les rémunérant pour leur travail comme on le ferait pour un professionnel.
EXPÉRIENCES PERSONNELLES DE PARTICIPATION SIGNIFICATIVE ET LA VALEUR QUI EN A RÉSULTÉ
Donc, en réalité, y a-t-il eu des cas où cela a réellement fonctionné ? Vous pouvez poser la question, et la réponse est oui ! D’après mon expérience personnelle, pour avoir participé de manière significative à diverses plateformes locales et internationales, je peux confirmer que lorsque les personnes vivant avec des MNT comme moi participent de manière significative, les programmes deviennent plus centrés sur les personnes et, par conséquent, fonctionnent.
En partant de mon expérience la plus récente, et peut-être la plus importante, en matière de participation significative, j’évoquerais ma participation à la 76ème Assemblée mondiale de la Santé à Genève. Avec le soutien de l’Alliance sur les MNT, je suis intervenu lors de quatre tables rondes, où j’ai mis l’accent sur trois messages clés : les personnes vivant avec les MNT sont les experts de leurs maladies et devraient donc être impliquées à toutes les étapes de l’élaboration des politiques et des programmes ; le moment est venu d’agir contre les MNT, y compris dans le cadre de l’agenda, du financement et de la programmation de la CSU ; et les MNT devraient être vues sous un angle plus large, en tenant compte d’autres maladies telles que le VIH/sida, des facteurs contributifs non liés à la santé et de la nécessité d’interventions au niveau des politiques.
Tout au long de mon engagement à Genève, j'ai eu l'occasion de rencontrer divers décideurs politiques, bailleurs de fonds et donateurs, avec lesquels j'ai continué à dialoguer au-delà de l'événement. Parmi eux figurent l'UNICEF, le Center for Universal Health et Novo Nordisk, pour n'en citer que quelques-uns. Ensemble, nous envisageons la mise en œuvre d’interventions locales pour lutter contre la charge des MNT dans notre communauté, en mettant l'accent sur le plaidoyer autour du diabète et de l'obésité, l'éducation et les projets de formation communautaire. Il est clair que lorsque l'on s'engage de manière significative, un changement se produit.
Un autre exemple que j'aimerais partager est mon expérience de participation significative dans le cadre du projet pilote de CSU au Kenya, mené entre 2017 et 2019. À l’époque, le gouvernement kényan a mené un projet pilote de CSU dans quatre comtés, et j’ai participé de manière significative à deux d'entre eux : Kisumu et Nyeri. Dans le cadre de ma participation, j'ai présenté deux articles de recherche sur la situation des MNT sur le terrain et formulé des recommandations, notamment sur l'importance d'impliquer les jeunes et les personnes vivant avec des MNT dans le processus de planification et de mise en œuvre, ainsi que de tirer parti de la technologie pour améliorer la mise en œuvre des programmes.
Certaines de mes recommandations ont été reprises et mises en œuvre, notamment la promesse d'impliquer les jeunes et les personnes vivant avec des MNT dans les comités de planification et de mise en œuvre du programme pilote et d'autres programmes similaires à l'avenir. L'un des effets immédiats de cette mesure a été la prise en compte des avis des jeunes sur le document de stratégie. Ce processus a été coordonné par la Fondation Stowelink. Le projet a été suspendu en raison des changements politiques survenus dans le pays ; nous avons cependant pu percevoir la valeur de notre implication lorsque le projet était actif. Il a été motivant de voir le gouvernement prendre des mesures pour mobiliser les personnes vivant avec des MNT à différents stades de la conception et de la mise en œuvre des programmes.
LA CSU CENTRÉE SUR L’HUMAIN - LE RÔLE DE LA PARTICIPATION SIGNIFICATIVE DES PERSONNES VIVANT AVEC DES MNT
Il est essentiel de mettre en place un cadre approprié de participation significative, en particulier s’agissant d'impliquer les personnes vivant avec des MNT dans le débat sur la couverture sanitaire universelle (CSU). La CSU doit être, avant tout, aussi concentrée que possible sur les personnes. Une CSU réellement centrée sur l’humain garantit la participation des personnes vivant avec des MNT aux processus décisionnels, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques, ainsi qu'à la conception et à la fourniture des services de santé dans le cadre de la CSU.
Les personnes vivant avec des MNT sont des spécialistes de leurs maladies ; elles sont expertes quant aux interactions quotidiennes avec les établissements et les systèmes de santé ; elles sont les mieux placées pour comprendre les lacunes et les défis à relever parce qu'elles y sont confrontées au quotidien. Ces personnes sont également expertes dans la formulation de suggestions sur ce qui fonctionnerait de manière optimale et sur la meilleure manière de mettre en œuvre les différentes composantes du cadre de la CSU. C'est pourquoi les personnes vivant avec des MNT doivent être associées à tous les processus, afin de garantir une CSU centrée sur l'humain. Les personnes vivant avec des MNT représentent près d'un quart de la population mondiale, et ne pas les impliquer dans ces débats revient à commettre une erreur fatale dans la conception et la mise en œuvre de tout programme de CSU.
En revanche, en faisant participer les personnes vivant avec des MNT à la réflexion sur la CSU, les décideurs politiques et les parties prenantes concernées bénéficient d'une contribution plus inclusive qui favorise l'équité dans l'accès aux services de santé. Cette participation permet également aux personnes vivant avec des MNT de s'approprier les diverses initiatives de CSU, ce qui en garantit le succès. En outre, lorsque les personnes vivant avec des MNT sont davantage impliquées, elles veillent à ce que les politiques et les programmes adoptés soient plus efficaces, et elles en renforcent la responsabilisation lorsque leur participation s’étend tout au long du cycle de vie. Enfin, cette participation fournit une plateforme pour la co-création et l'élaboration conjointe de solutions et d'interventions efficaces, un véritable gain pour tout le monde.
Il est temps de prendre soin, c’est donc le meilleur moment pour faire participer les personnes vivant avec des MNT afin de veiller à ce que nous disposions de politiques et programmes de CSU centrés sur l’humain. Alors, qu'allez-vous faire aujourd'hui pour avancer sur cet agenda ?