Lors des auditions multipartites des Nations Unies qui se sont tenues les 8 et 9 mai, en amont des trois Réunions de haut niveau (RHN) des Nations Unies sur la CSU, la tuberculose et la préparation face aux pandémies qui se tiendront en septembre, les intervenants ont affirmé à tour de rôle que nous avions besoin d’une « plus grande volonté politique » pour faire de la santé une priorité pour les gouvernements, au sortir de la pandémie. Nous avons également appris que les progrès stagnent s’agissant de l'Objectif de développement durable 3 visant à atteindre la santé pour tous. Le 5 mai, à peine quelques jours avant les auditions, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que la pandémie de COVID‑19 était terminée et n’était plus une urgence de santé publique. Mais il semblerait que l'urgence de prioriser la santé mondiale ait pris fin bien avant.
La première Réunion de haut niveau des Nations Unies sur la couverture sanitaire universelle (CSU) en 2019 avait débouché sur des engagements importants, dont la nécessité a été confirmée par l’apparition de la pandémie de COVID‑19 peu de temps après. Ces dernières années, nous avons constaté l'importance de la santé et des systèmes de santé. Et pourtant, nous n'avons pas vu suffisamment d'engagements se concrétiser. D'autres membres de la société civile seront certainement d'accord avec nous : nous sommes las de parler des gouvernements qui ne tiennent pas leurs promesses de placer la santé de la population au premier plan. Pourtant, nous n’avons pas d’autre choix que de le répéter inlassablement, comme beaucoup d’entre nous l’ont fait lors des auditions, et de continuer à espérer que les discussions de cette année déboucheront sur des actions concrètes.
ALIGNER LES PRIORITÉS POUR ACCÉLÉRER LES AVANCÉES
Les auditions ont constitué une excellente occasion pour des participants issus de divers horizons et groupes d’identifier les points communs et les questions transversales dans le débat actuel sur la santé publique mondiale. Pour nous, qui représentons la NCDA, elles nous ont également permis de nous faire une idée de l’orientation de la politique de santé publique à l’approche de l’Assemblée mondiale de la Santé et des RHN, et de mieux comprendre quelles devaient être nos propres priorités de plaidoyer d’ici septembre. Les États membres ont souligné le fait que la société civile devait poursuivre ses activités de plaidoyer, mais que les gouvernements avaient besoin de messages harmonisés et de cohérence pour chacune des trois RHN et entre elles, ainsi que dans les processus de rédaction des Déclarations politiques.
Tenter d'influencer une réunion de haut niveau par an est une tâche colossale ; en suivre trois met à rude épreuve tout autant la société civile que la diplomatie des États membres en matière de santé. Il est encourageant de constater que toutes les parties prenantes ont pu s’approprier les questions transversales lors des auditions - comme la nécessité de maintenir la dynamique de renforcement des systèmes de santé - et que les États membres étaient également disposés à adopter une approche plus intégrative. La CSU2030 a accouché d’un Programme d’action qui vise à contribuer à aligner les messages destinés à la société civile et aux autres acteurs de la santé mondiale. Ses principales revendications ont été présentées lors de l'audition sur la CSU, mais il semble que les intervenants dans la salle auraient pu faire davantage pour aligner leurs déclarations sur ce cadre, afin de faire masse et de créer une dynamique pour une campagne convaincante en faveur de la CSU pour tous.
L’Alliance sur les MNT a un ensemble clair de priorités qui sont bien alignées sur le Programme d’action de la CSU2030. Les voici : INVESTIR dans la prévention et la maîtrise des MNT grâce à des ressources adéquates, prévisibles et durables pour la CSU ; ACCÉLÉRER la mise en œuvre de la CSU en incluant des services de prévention et de prise en charge des MNT de qualité dans les régimes nationaux de CSU ; ALIGNER les priorités de développement et de santé mondiale pour parvenir à la CSU ; et MOBILISER les personnes vivant avec des MNT afin que la CSU reste centrée sur l’humain.
Lors de la séance de bilan qui a suivi les auditions, Il a été réconfortant d'entendre un représentant des co-facilitateurs, la Thaïlande et la Guyane, exprimer un fort alignement sur ces priorités dans les rubriques clés. Parmi ces priorités générales, certains points plus spécifiques ont été soulignés, tels que les soins de santé primaires qui sont fondamentaux pour la CSU, la nécessité de renforcer et de protéger notre personnel de santé à l’échelle mondiale et la localisation des prestations de la CSU qui doit impliquer les gouvernements locaux et les agents de santé communautaires. L'accès aux diagnostics, aux médicaments et aux traitements a été un autre thème majeur, tout comme, bien sûr, la nécessité d'accroître les investissements et d'assurer un financement durable. L'accent a été mis sur la manière de rendre les gouvernements responsables des engagements qu'ils prennent et sur l'importance du suivi et des données désagrégées pour veiller à la poursuite de services de santé intégrés et équitables. Enfin, nous nous réjouissons d’avoir entendu autant de soutien à la participation sociale dans la conception, la prestation et l'évaluation des politiques et des services de santé.
LES PROGRÈS EN MATIÈRE DE MNT SONT LENTS, MAIS ONT LE MÉRITE D’EXISTER
Si les progrès sur l'ODD 3 dans son ensemble sont limités, force est de constater que la communauté des MNT a enregistré des avancées très significatives. Les MNT n’avaient pas été incluses dans les objectifs du Millénaire pour le développement, mais elles ont gagné en importance depuis la première Réunion de haut niveau sur les MNT en 2011. Cela a permis leur inclusion dans les Objectifs de développement durable (ODD) au titre de la cible 3.4 en 2015, et une quatrième Réunion de haut niveau sur les MNT est prévue pour 2025. Ces maladies ont également été mentionnées par divers intervenants au cours des auditions, notamment dans un discours fort de l’auteure de Carnets MNT, Nupur Lalvani, qui faisait partie de l’un des panels sur la CSU. La présidente élue de la NCDA, Monika Arora, a également participé au déjeuner de haut niveau.
Outre sa participation aux auditions, la NCDA a organisé un événement parallèle intitulé « Enabling People Living with NCDs' Right to Health through UHC » [Permettre aux personnes vivant avec des MNT d'exercer leur droit à la santé grâce à la CSU], organisé conjointement avec la mission permanente de la Jamaïque auprès des Nations Unies, le bureau de l'OMS auprès des Nations Unies et le Leona M. and Harry B. Helmsley Charitable Trust. Lors de cet événement, nous avons rendu public le rapport de la NCDA sur les dépenses directes, « Paying the Price », qui met en évidence la charge économique à laquelle sont confrontées les personnes vivant avec des MNT et leurs ménages, les mécanismes d’adaptation auxquels elles ont recours et les impacts continus que ces dépenses ont sur l’emploi et les moyens de subsistance, l’éducation, la nutrition et l’égalité des genres. Le rapport s'appuie également sur le projet des « Carnets MNT » de la NCDA et présente des témoignages directs sur les difficultés rencontrées dans la continuité des soins et sur le fait que les systèmes actuels ne sont pas en capacité de traiter les MNT ni de servir les personnes qui recherchent leurs services.
Nous avons bon espoir que cette année sera celle de la volonté politique et que la situation évoluera afin de pouvoir parvenir à une couverture sanitaire universelle qui s'engage dans la prévention et la maîtrise des MNT et d'autres priorités en matière de santé.